Rodin : Rupture ou continuité
Des étiquettes et des boites fichées... Des catégories et des spécialités... Nos vies dans des cartons bien ficelés et nos corps déjà prêts pour l'épitaphe ! "Rodin, sculpteur "
C'est l'histoire en marche, tout simplement l'Histoire, qui passe au fond de nos paysages comme un train dans le lointain , les wagons chargés de petits bouts d'âmes...
Rodin est sculpteur pour l'éternité et pour les élèves encore appliqués assis aux tables des écoles élémentaires. J'y pense encore, moi aussi, le penseur, comme une référence emblématique impossible à nier.
Pourtant c'est le dessin, qui aux dires de l'artiste lui même, est la clef de toute son oeuvre. Des dessins , en esquisses et ébauches, pour préparer ses sculptures, et qui deviennent son travail exclusif.
Rodin a déjà passé la soixantaine lorsqu'il délaisse définitivement ses ciseaux et son maillet de sculpteur. Il se consacre alors au dessin. Pour lui c'est une nouvelle vision du corps, un corps libéré des pesanteurs et des contraintes. Ses thèmes n'ont pas changé : c'est essentiellement le corps féminin qui l'intéresse, et dont il ne s'est jamais lassé, le regard posé sur les modèles qu'il saisit dans son atelier.
Sa technique évolue. Des positions classiques et attendues, qu'il traduit à coups de crayon, Rodin passe progressivement au corps en mouvement, encourageant ses modèles à adopter des poses fantaisites, parfois même un brin acrobatiques. Le sensualisme se développe jusquà l'érotisme, dans la démarche enthousiaste de ses vieux jours.
Avec l'indépendance du modèle, c'est aussi l'indépendance du trait qui se manifeste. Il dessine, il dessine sans relâche. Des séries sont produites en rupture totale avec ses dessins de départ. L'aquarelle est de plus en plus utilisée, provoquant un étrange sentiment de flou, ou la forme se dissout. Les corps semblent flotter et disparaitre en partie dans des arrangements de couleurs qui suffiraient en eux mêmes à enchanter l'oeil de l'observateur. Une impression étrange de "modernité" s'en dégage !
Le musée Rodin a tiré de son propre fonds, trois cent dessins de l'artiste, présentés sur des murs gris acier pour finir sur des murs rouges. Une montée en puissance de la liberté, des modèles, commes des saisies que Rodin en a fait. Une partie des quelques 3OOO dessins réalisés pendant les trentes dernières années de sa vie. Une démarche, un rien obsessionnelle, les robes des modèles troussées jusqu'à la taille, en séries bleues ou beiges. Deux dessins représentent des hommes, deux seulement sur les 300 qui sont présentés.
Voila une bonne occasin de découvrir ou de redécouvrir un autre Rodin. L'exposition s'inscrit dans la lignée de deux grandes manifestations du début du XX siècle : la Sécession de Berlin qui date de 1903, et l'exposition de la Galerie Bernheim-Jeune réalisée an 1917, toutes deux consacrées aux dessins de Rodin.
Un chemin à parcourir du gris au rouge, en pensant à Rose , l'un de ses modèles préférés, ou peut-être à Camille, bien avant son enfermement... Bien avant.
D.P.
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La saisie du modèle, Rodin, dessins 1890-1917
Musée Rodin, 79 rue de Varennes, Paris
Tous les jours sauf le lundi jusqu'au 1° avril 2012
Le jardin du musée et l'hotel Biron qui en fait partie, ne sont pas mal non plus...